Qu’est-ce que l’oreille humaine ? v2.0 2020

L’approche anatomique

1) L’approche anatomique

Question saugrenue, semble-t-il. L’oreille n’est-elle pas ce double organe appendu de chaque côté du crâne et qui sert à entendre ? A question simple, réponse simple. Et celle-ci reste valable.

Mais poursuivons l’interrogation : comment se produit l’audition ? Les réponses sont moins faciles. On mesure très vite les difficultés qui surgissent lorsqu’il s’agit d’expliquer le fonctionnement de l’oreille. En dehors des spécialistes, peu de gens, peuvent s’aventurer dans ce domaine.

Les chercheurs les plus avertis constatent que certains mécanismes intimes qui régissent la perception auditive restent mystérieux, alors que d’autres ont déjà livré leurs secrets. Nous aurons à nous plonger dans l’ensemble de ce vaste champ d’exploration, et ce avec d’autant plus d’intérêt que nous saurons vite y découvrir maintes solutions, en particulier celles qui sont liées à notre préoccupation du moment : le « Ménière ».

Avant de nous engager dans un tel labyrinthe, utilisons comme fil d’Ariane cette conviction : pour comprendre l’oreille, il faut l’analyser de manière globale. Ne perdons jamais de vue que, si les fonctions de cet organe sont multiples, c’est dans leur ensemble qu’il faut les considérer.

On a rangé l’oreille dans la lignée des organes sensoriels. Par ordre, on cite l’audition après l’odorat et la vue et avant le goût et le toucher. Cette hiérarchie et ce voisinage sont bien trop réducteurs. Ils ne rendent pas compte des caractéristiques exceptionnelles qui sont attachées à l’appareil auditif et qui en font un organe difficilement comparable aux autres.

On sait que je suis enclin à lui accorder la première place. Je n’ignore pas les résistances que me vaut une telle attitude. Une recherche consacrée exclusivement à l’étude d’un organe peut être suspectée de partialité. On peut la considérer comme tendancieuse et m’accuser de tout « ramener » à l’oreille. Je suis conscient de mes responsabilités et je désire les assumer pleinement tout en acceptant les critiques. Je ne crains pas les discussions mais avant d’être jugé, je demande au moins à être écouté jusqu’au bout.

L’oreille a de multiples fonctions que nous allons énumérer. Pourtant, toutes ses activités particulières ont une raison commune. Elles se conjuguent pour ne faire qu’une et une seule, mais jouant sur de nombreux registres.

L’oreille assure d’abord la statique et la dynamique. Elle tient sous son contrôle tout ce qui a trait à l’équilibration. Ce fait est bien connu. Le moindre mouvement, le plus petit passage du statique au dynamique font appel à l’une des activités de cet organe, activité vestibulaire qui constitue la fonction la plus archaïque. Il s’agit là d’une organisation première de la cinétique.

L’oreille possède le moyen instrumental d’en suivre l’évolution et les variances. Elle est donc un appareil d’analyse des mouvements de différentes amplitudes.

Mais l’oreille, grâce à une disposition spéciale, est également sensible à ces autres déplacements que sont les ébranlements sonores. Elle ajoute ainsi l’audition à sa première fonction, qui est celle de la statique et de la dynamique, comme nous venons de le voir.

Equilibration et audition sont en résumé les deux grandes fonctions de l’oreille.

L’équilibration inclut toute la cinétique corporelle et gestuelle.

Quand on lui associe l’audition, l’oreille s’impose comme l’une des centrales énergétiques du cerveau. Elle est une source permanente de stimulations. Nous verrons les conséquences d’une telle affirmation dans notre analyse du « Ménière ».

S’il est habituel de différencier équilibration et audition pour les besoins de la cause, il ne faut pas oublier que ces deux activités sont concomitantes et qu’elles trouvent leur unité dans une fonction supérieure : la faculté d’écoute.

L’écoute tient une place de choix dans la conception que j’ai de l’oreille humaine. Située au sommet du fonctionnement du système vestibulo-cochléaire, elle entraîne à sa suite les autres activités de cet organe et induit toute la structure humaine.

L’homme est une antenne à l’écoute de l’univers. C’est là une ouverture vers la conscience. La dimension psychologique est imbriquée dans l’ensemble des activités de l’appareil auditif. L’oreille réagit sous l’effet du psychisme et l’écoute conduit au dialogué. Elle est le fondement même de la communication. Elle constitue le lien sociologique par excellence.

Ainsi, le psychisme, le social et le système auditif sont unis et asservis à une même fonction. C’est ce point de vue qui nous guidera quand nous examinerons les causes du « Ménière ».

2) Pour comprendre les mécanismes de l’oreille

Pour comprendre les mécanismes de l’oreille, je propose df montrer d’abord comment elle est construite. Ce n’est pas une mince affaire..L’oreille, dit-on, ne concerne que les spécialistes, Sa description, même sommaire, semble rebutante. Pourtant rien n’est plus passionnant que l’étude de cet organe. Le lecteur ne trouvera aucune difficulté à nous suivre dans les méandres de ce labyrinthe mystérieux. Nous ne nous attarderons d’ailleurs qui iur If i éléments indispensables à l’étude du Ménière.

L’analyse anatomique classique de l’oreille découpe cet organe en trois parties : l’oreille externe, l’oreille moyenne et l’oreille interne. A cette conception traditionnelle, nous substituerons une approche inverse qui part donc de l’oreille interne vers l’oreille externe en passant par l’oreille moyenne.

Cette nouvelle hiérarchie n’est pas une simple fantaisie de ma part. Je ne vise pas à prendre systématiquement le contrepied de mes confrères, mais je pense qu’une telle distribution permet de faire une description qui suit de près le développement phylogénétique et ontogénétique de cet organe. Par ce biais, la dynamique fonctionnelle de l’oreille reçoit un éclairage tout particulier. Ses mécanismes livrent plus facilement leurs secrets et bien des problèmes physiologiques restés en suspens sont ainsi résolus. Le vertige de Ménière y trouve également son explication étiologique.

3) L’oreille interne

Comme son nom l’indique, l’oreille interne est la partie profonde de l’organe auditif, située dans une structure osseuse de forme pyramidale, d’où son nom de pyramide pétreuse ou rocher. La base de celle-ci est située à la surface externe de l’os temporal dans lequel la pyramide est incluse.

 

L’os temporal est l’un des os du crâne qui avec le frontal (en avant), le pariétal (en haut sur les côtés), le sphénoïde (en bas), l’occipital (en arrière) et l’ethnoïde (en bas et en avant) constituent la boîte crânienne.

L’os temporal est situé sur la surface latérale du crâne, sous le pariétal. Il s’articule à l’intérieur avec le sphénoïde. Nous n’entrerons pas dans des descriptions plus importantes concernant ses rapports avec l’ensemble du crâne. Notons seulement que l’axe de la pyramide pétreuse qui part de la base externe vers le sommet s’oriente en dedans et en avant.

La pyramide est faite d’une pellicule osseuse dure. A l’intérieur, dans un ensemble aéré et trabéculaire, elle contient une vésicule osseuse qui lui est rattachée par de fins supports. C’est le labyrinthe osseux, coque dans laquelle est incluse l’oreille interne.

4) L’écoute qui apporte

 

5) L’oreille interne est l’ensemble du labyrinthe

L’oreille interne est l’ensemble du labyrinthe, contenant et contenu.

 

Le contenant, le labyrinthe osseux (ou vésicule labyrinthique), est sculpté dans un os dense comme de l’ivoire.

A l’intérieur de cette coque se trouve le labyrinthe membraneux, organe qui constitue la partie fonctionnelle et réceptrice de l’oreille interne. Il se divise en deux parties, chacune ayant ion rôle spécifique. Il est le support des éléments sensoriels que nous classerons en deux catégories en fonction de leurs attributions

— Tout ce qui a trait à l’équilibration dépend de la partie postérieure.

— L’audition relève de la partie antérieure.

Ces deux domaines apparemment distincts, trop souvent considérés comme dépendant des deux appareils séparés, ne sont en réalité qu’un seul et même organe qui a acquis des ampliations dans son architecture à mesure que le besoin s’en est fait sentir. C’est ainsi que l’appareil initial, simple vésicule, a vu s’adjoindre autour de lui différentes annexes qui ont eu des problèmes particuliers à résoudre sur le plan de l’analyse sensorielle.

Le lecteur doit toujours garder en mémoire cette conception uniciste, même si, pour les besoins de la description, nous sommes amenés à découper le labyrinthe membraneux en plusieurs parties.

6) Le vestibule

Le saccule, de forme sphérique, est plus petit que l’utricule auquel il est accolé en bas et en avant.

 

Dans la partie postéro-inférieure de l’utricule et la partie postéro-supérieure du saccule, on observe des tubes de petite taille qui se réunissent et forment un canal membraneux débouchant sur le sac endolymphatique.

7) La cochlée

Ecouter est une opération de tout autre nature.

 

Enfin la cochlée est la dernière annexe à cet ensemble vestibulaire.

La cochlée semble former un organe unique. Qui pense oreille pense audition, et l’on attribue tout le mérite de l’audition à la cochlée. La partie vestibulaire passe en arrière-plan. On en fait un élément de second ordre. Le lecteur s’apercevra vite que ce n’est pas du tout notre conception.

Pour moi, l’audition relève d’un ensemble où chaque élément a son rôle et tient sa place. Mais ce point de vue n’est pas encore entré dans les mœurs.

La cochlée est placée en avant et en bas du bloc vestibulaire. Elle s’enroule comme un limaçon à partir de la partie inférieure du saccule auquel elle est connectée par le canal de Hensen ou canal reuniens. De là, elle évolue sur un plan horizontal dans une spirale dont le sommet, situé en la partie distale, s’enroule de manière sénestrogyre à droite et dextrogyre à gauche. On dénombre, de la base au sommet externe, deux tours et demi à trois tours de spire.

8) Rapports entre le labyrinthe membraneux et son contenant osseux

Rapports entre le labyrinthe membraneux et son contenant osseux. Organe quelque peu tarabiscoté à première vue, le labyrinthe membraneux est protégé en fait par une coque d’une densité peu commune rappelant l’ivoire.

 

Comme on l’a signalé, la structure membraneuse n’est pas libre. Elle ne flotte pas mais est amarrée en des points bien précis et de manière différente à son contenant osseux.

C’est par la face interne de l’organe membraneux qu’il y a connexion entre le vestibule et le labyrinthe osseux. Celui-ci présente à cet endroit des fossettes sur lesquelles se fixent les différents éléments vestibulo-cochléaires. Il en émane des fibres nerveuses (nerfs dits vestibulaire et cochléaire) qui se dirigent vers le sommet de la pyramide pétreuse grâce à un canal (le conduit auditif interne) et partent en direction du système nerveux central.

On distingue les fossettes utriculaire, sacculaire et cochléaire et une quatrième qui porte le nom de fossette supérieure ou faciale. Chacune est comme l’empreinte d’un organe du labyrinthe membraneux.

Nous n’entrerons pas dans une description anatomique plus poussée. Elle ne nous apporterait aucun élément en faveur de l’étude qui est le propos même de cet ouvrage, le vertige de Ménière.

Seule reste à préciser en quelques mots l’insertion de la cochlée dans le limaçon osseux, partie correspondante de la coque labyrinthique. La structure osseuse s’est adaptée pour accueillir et supporter le canal cochléaire membraneux puisque, chronologiquement, c’est ainsi que les choses se sont passées. Il existe un ancrage spécifique de la cochlée lié à une demande fonctionnelle, ainsi que nous le révèle la physiologie.

En général, on ne s’interroge pas assez sur la forme de cet organe. Elle donne pourtant l’explication de son mécanisme.

Ce tube spécial qu’est la cochlée s’entoure sur son axe dirigé vers l’extérieur à partir de la base interne située sur la partie inférieure du saccule. Il est solidement amarré au bord externe du canal osseux. Il forme l’un des côtés du canal cochléaire membraneux. Notons déjà l’importance de la vascularisation. Nous la retrouverons plus loin.

En partie interne, le tube cochléaire est soutenu par une lame osseuse, dite lame spirale, détachée du bord interne de la coque limacéenne osseuse en direction du canal. Si bien qu’à ce niveau, c’est-à-dire en son bord libre, la lame spirale offre une attache aux deux autres côtés du canal membraneux qui, de ce fait, se trouve prismatique, triangulaire dans sa section.

9) le côté externe que nous avons vu, est désigné sous le nom de ligament spiral

– le côté externe que nous avons vu, est désigné sous le nom de ligament spiral,

 

— le support supérieur (dit membrane de Reissner), fort mince, est constitué de deux rangées cellulaires, tenant entre elles une mince couche conjonctive,

— le troisième côté inférieur (dénommé membrane basilaire), plus épais, est fait d’une assise cellulaire constituant un véritable pont jeté entre le bord libre de la lame spirale et le bord externe du ligament spiral qui scinde le canal osseux en deux tubes ou rampes, l’une appelée vestibulaire et l’autre tympanique.

Des plages d’élection, situées dans le vestibule et la cochlée, servent à la détection de phénomènes divers ; ils assurent par leur mise en action l’équilibration, la cinétique et l’audition.

Ces plages ont une caractéristique commune : la présence d’une cellule que l’on retrouve dans les parties actives de l’appareil membraneux. Cette cellule, depuis la nuit des temps, est restée sensiblement la même. Depuis son apparition chez la méduse jusqu’à son aboutissement dans l’oreille humaine, elle a conservé, à quelques détails près, la même morphologie en réponse à un besoin fonctionnel dont on pourra admirer l’unité fondamentale en dépit de différences collectées par-ci par-là.

Cellules sensorielles de l’oreille interne

Cette cellule est de forme oblongue ou cylindrique, avec un noyau basal. Elle est riche en mitochondries. Elle offre, en sa partie libre (apicale), une implantation de cils variables en nombre.

A signaler également l’autonomie dont dispose cette cellule. Elle n’a aucune attache avec le milieu environnant et repose simplement sur un lit de cellules de soutien. Des fibres neurales l’entourent à mi-hauteur pour lui donner une assise nécessaire.

Le microscope électronique permet de mieux appréhender cet ensemble histologique. Il restitue dans leurs menus détails les éléments distinctifs de ces cellules. Très riches en parenté, elles révèlent de légères différences liées à leur fonction spécifique pour répondre à leurs activités propres.

On distingue :

— Les cellules sensorielles utriculaires qui tapissent une surface dénommée « macula-utriculaire » ou « lapillus ».

— Les cellules sensorielles des canaux semi-circulaires qui se trouvent sur des crêtes dites ampullaires.

— Les cellules sensorielles sacculaires qui s’étalent sur une plage dite « maculae sacculaire » ou « sagitta ».

— Les cellules sensorielles cochléaires distribuées sur la membrane basilaire.

10) L’oreille moyenne

– le côté externe que nous avons vu, est désigné sous le nom de ligament spiral,

Située à l’extérieur de l’oreille interne dont elle est séparée par la face externe du labyrinthe osseux, l’oreille moyenne a une forme bi-convexe. En arrière, elle communique avec la mastoïde par l’intermédiaire d’un canal, l’aditus ad antrum.

 

Oreille moyenne

En avant, elle rejoint le pharynx par l’intermédiaire de la trompe d’Eustache. Deux ouvertures operculées la mettent en connexion avec l’oreille interne, la fenêtre ovale (arrière-haut) et la fenêtre ronde (bas).

Enfin, l’ouverture tympanique la met en contact avec l’oreille externe.

L’oreille moyenne contient de dedans en dehors trois osselets : l’étrier, l’enclume et le marteau.

Par leur origine embryologique, par leur structure dynamique, ces osselets forment deux blocs distincts : l’un interne (Pétrier), l’autre externe (l’enclume et le marteau), dit encore bloc incudo-malléolaire.

11) L’oreille moyenne

 

Le premier est intimement lié à l’oreille interne dont il est le principal élément actif régulateur. Le second est tourné vers l’oreille externe. Il s’associe au jeu de la membrane tympanique.

L’ensemble de ces trois ossicules constitue un pont jeté entre l’oreille interne et la membrane tympanique. La base de l’étrier (ou platine) obstrue le labyrinthe osseux au niveau de la fenêtre ovale. Le marteau est solidairement couplé avec la membrane tympanique.

 

Des ligaments accrochés au plafond de la caisse du tympan s’insèrent sur l’enclume. Deux minuscules muscles complètent ce mécanisme. Ils portent le nom des ossicules sur lesquels ils s’insèrent : l’étrier et le marteau. Ce pont forme un système mobile, vivant en équilibre constant. Il répond à toutes les sollicitations acoustiques.

Retenons, dans le cadre de cette étude sur le Ménière :

— que le muscle de l’étrier est innervé par la VIIe paire crânienne qui étend son territoire nerveux à tous les muscles de la face,

— que le muscle du marteau reçoit un filet nerveux de commande émanant de la Ve paire crânienne qui tient également sous sa coupe les muscles masticateurs.

Avant d’aborder l’étude succincte de l’oreille externe, attardons-nous quelques instants sur la membrane qui la sépare de l’oreille moyenne, à savoir la membrane tympanique.

La membrane tympanique clôt l’orifice tympanique (appelé tympan) qui, on vient de le voir, limite l’oreille moyenne sur son côté extérieur. Elle réalise en même temps le fond de l’oreille externe.

La membrane tympanique sépare donc l’oreille moyenne de l’oreille externe. On verra dans le chapitre suivant quel rôle impor¬tant elle joue sur l’audition mais il faut également retenir qu’elle est une barrière qui protège l’oreille moyenne des infections pro¬venant de l’oreille externe. Et par sa présence, elle permet aussi que les infections siégeant dans le rhino-pharynx ne se propagent pas dans l’oreille moyenne par l’intermédiaire de la trompe d’Eustache.

On sait combien sont préjudiciables les communications qui peuvent se créer entre l’oreille moyenne et l’oreille externe, soit par perforation de la membrane tympanique soit par disparition (totale ou partielle) de celle-ci. Ces phénomènes peuvent non seulement perturber l’audition mais aussi entraîner des otites à répétition. Il est donc très important de veiller à ce que cette membrane soit toujours en bon état.

La membrane tympanique est pratiquement circulaire (10 cm de hauteur sur 9 cm de largeur) et a 0,1 mm d’épaisseur.

C’est une lame vibrante en partie basse, en une zone dite « pars densa » située sous le point central dénommé « ombilic ». Par contre, en sa partie haute, une zone flaccide porte le nom de « membrane de Schrapnell ». Celle-ci est immobile, insensible aux mouvements engendrés par les vibrations acoustiques.

En son épaisseur, la membrane tympanique gaine littéralement le manche du marteau, osselet le plus externe de la chaîne ossiculaire. La pointe basse de ce manche jouxte l’ombilic du tympan tandis que l’autre extrémité s’oriente en haut vers le corps et la tête du marteau.

12) L’oreille externe

Après avoir étudié l’oreille interne, l’oreille moyenne et la membrane tympanique, nous allons dire quelques mots de l’oreille externe et des deux principaux éléments qui la constituent : le conduit auditif externe et le pavillon.

Le conduit auditif externe, plus ou moins sinueux, est dirigé vers l’extérieur, vers le pavillon. Il est cylindrique (8 mm de rayon en moyenne) et sa longueur est d’environ 25 mm.

Le pavillon est la partie visible de l’oreille humaine. Connu de tout le monde, spécialistes et béotiens, il est situé sur le côté de la tête et termine l’appareil auditif comme saurait le faire un collecteur de sons. Il est une sorte d’entonnoir ouvert sur l’extérieur, fait d’un support cartilagineux recouvert de tégument. Il nu centre une conque qui prolonge le conduit auditif externe. Le pavillon proprement dit est situé en haut et en arrière tandis que la partie basse est constituée par le lobe de l’oreille, charnu, sans support cartilagineux.

13) LES LIQUIDES LABYRINTHIQUES

Après la description des trois étages de l’oreille, il nous plairait de nous attarder sur les liquides labyrinthiques. Il semble en effet qu’il faille s’en inquiéter puisque, dans le Ménière, ils sont largement incriminés comme étant la cause du trouble.

Aussi n’est-il pas inconvenant de leur consacrer quelques pages, ne serait-ce que pour révéler combien ils furent l’objet d’études nombreuses destinées à justifier leur présence et surtout à élucider leur dynamique hydraulique.

Nous avons signalé précédemment que le labyrinthe membraneux baignait dans la périlymphe tandis qu’il était lui-même empli d’endolymphe. Ces deux liquides ont été largement étudiés quant à leurs composants, notamment les sels minéraux qui y sont contenus, quant à leur teneur en oxygène, aux enzymes, etc. A vrai dire, les réponses sont assez discordantes. Ce n’est pas l’équivalent du liquide céphalo-rachidien bien que s’en approchant, et l’endolymphe est extrêmement riche en potassium tandis qu’elle est pauvre en sodium.

Par ailleurs certains auteurs se sont inquiétés de savoir d’où venaient ces liquides. Du fait que ces derniers ne pouvaient être là par génération spontanée, tout fut invoqué.

La périlymphe

C’est ainsi que, pour la périlymphe, certains ont songé qu’elle pouvait très bien trouver sa source dans le liquide céphalo-rachidien, d’autant plus qu’une communication se révélait possible entre l’oreille interne et ce liquide. Le passage se fait par une déhiscence appelée l’« aqueduc du limaçon » et située sur la face interne de ce dernier. C’est l’opinion de Gisselsson (1949).

Encore que ce canal sur lequel cet auteur a pu fonder ses hypothèses a été découvert obturé par Waltner (1948) ; de même Svane Knud-sen (1958) apporte la preuve qu’une membrane clôture bel et bien ce conduit. Ces faits restent cependant contestés et, en réalité, ils sont inconstants. Pour d’autres chercheurs, il est apparu que toute élimination d’intervention du liquide céphalo-rachidien par obturation de l’aqueduc du limaçon ne gênait en rien la production de la périlymphe (Taguchi, 1958, et Schuknecht, 1963).

Fait remarquable, toute variation de pression du liquide céphalo-rachidien s’accompagne d’une augmentation tensionnelle de la périlymphe, comme l’ont rapporté Kobrak, Lempert et Von Bekesy, sans pour autant que l’audition en soit modifiée. Ceci nous rappelle que seul l’endolymphe se prend à jouer en hypertension dans le « Ménière ».

On s’accorde actuellement pour admettre que la production de la périlymphe trouve sa source dans les zones vasculaires riches, notamment au lieu d’insertion de la membrane de Reissner. Mais il faut ajouter que l’on n’a pu jusqu’alors préciser quel était le mode de cette formation liquidienne.

S’il est vrai que l’on est dans l’incertitude quant à la production de la périlymphe, il n’en est pas moins vrai que l’on est encore plus hésitant à se prononcer quant à son renouvellement. En effet, dans l’état actuel des connaissances, on ne saurait expliquer la résorption qui s’impose dès lors que ce renouvellement est considéré comme nécessaire.

De toute façon, dans notre propos qui est celui concernant le « Ménière », la périlymphe joue apparemment un rôle mineur par rapport à celui tenu par l’endolymphe.

L’endolymphe

Ainsi que nous l’avons dit, elle est un des milieux humoraux les plus fournis en potassium, mais elle est, par contre, pauvre en sodium et plus encore en albumine. Là comme précédemment, tout reste obscur quant à la provenance de ce liquide. On ignore également son mode de résorption. Il semble qu’il se réalise en permanence un équilibre entre la production et l’absorption, mais si Corti, dès 1851, songeait déjà, comme allant de soi, que cette production se faisait dans une zone particulière spécialement vascularisée et dénommée la «strie vasculaire », cette attribution logique devait cependant ne pas résister aux investigations plus tardives menées par Engstrom (1958) et Spoendlin. Ces derniers, bien que ne pouvant de leur côté apporter une preuve déterminante concernant tel ou tel mécanisme de renouvellement de l’endolymphe, émettent un doute quant à la notion initiale émise par Corti.

L’endolymphe se régénère donc. C’est une certitude facile à concevoir et, qui mieux est, à constater. Il n’en reste pas moins que les systèmes grâce auxquels le liquide est généré n’ont pas encore été découverts. Il serait cependant d’un intérêt incontestable de connaître les mécanismes intimes qui président à la production du liquide endolymphatique puisque c’est en fonction de lui et d’une absence d’équilibre de régulation le concernant que se produit le « Ménière ».

Libre à chacun, pour l’instant, d’imaginer que le tout se passe par osmose ou par sécrétion des cellules qui tapissent le sac endolymphatique. Et pourquoi ne pas songer que le sac endolymphatique opère comme régulateur des tensions liquidiennes, bien que certains auteurs tels Lindsay (1947) aient avancé que la suppression de ce sac n’était aucunement préjudiciable à la bonne marche de cet équilibre pressionnel ? Ceci est quelque peu désappointant de prime abord, peureusement, pour nous conforter, Kimura et Schuknecht rétablissent le rôle du sac endolymphatique en démontrant l’inverse et en admettant notamment son pouvoir de résorption à l’égard de l’endolymphe. On doit signaler que cette notion a été introduite par G. Portman dès 1927.

En effet, l’élimination du sac détermine, aux dires de ces auteurs, une hypertension de ces liquides ou hydrops. Ignorant les modes de production et de résorption, nous ne pouvons dégager de conclusions valables à partir des éléments qui sont à notre disposition et, par là, nous sommes incapables d’évoquer une explication concernant le déclenchement de la crise d’hypertension du liquide endolymphatique.

Nous nous trouvons donc dans l’impossibilité de savoir ce que sont en réalité la périlymphe et l’endolymphe. Il nous faut ajouter que deux autres liquides se trouvent dans le labyrinthe membraneux et sont aussi mystérieux en ce qui concerne le motif de leur présence et de leur manière d’être. On sait qu’ils existent et nous ne ferons que les citer. Ce sont :

— la cortilymphe qui siège dans le canal de Corti,

— et la lymphe subtectoriale qui se trouve sous la membrane tectoriale.

Au fond, ce que nous savons maintenant des liquides contenus dans la vésicule labyrinthique, ce ne sont guère que leurs noms qui nous permettent de les situer.

C’est ainsi que la périlymphe entoure le labyrinthe membraneux, et que l’endolymphe emplit ce dernier. Enfin, il y a lieu d’y ajouter la cortilymphe et la lymphe subtectoriale qui trouvent place là-même où leur dénomination les situe.

Des inconnues concernant ces liquides subsistent donc et continuent d’alimenter de nombreuses recherches. Une littérature abondante fait état d’études poussées débouchant sur des hypothèses relatives à la production et à la résorption, autrement dit, au renouvellement de ces liquides. Par ailleurs, des essais ont été tentés pour élucider les phénomènes de circulation de ces mêmes liquides. Et là encore, c’est avec grande difficulté que l’on arrive à énoncer des conclusions.

A notre avis, une dynamique hydraulique s’installe dans cet organe membraneux, pulsatile, obéissant aux rythmes circulatoires. Il est évident que le tout se déroule à une échelle microscopique.

Ceci nous paraît évident, notamment au niveau du vestibule et spécialement des canaux semi-circulaires. On sait qu’une circulation existe chez les agnathes par exemple. La preuve n’en a jamais été faite chez l’homme ni chez les mammifères. Cependant il n’est pas impossible de penser qu’avec les moyens modernes, on puisse observer une dynamique des fluides qui de surcroît réponde logiquement au comportement d’un organe vivant soumis à toutes les manifestations vasculaires et fluidiques du corps humain. Pour la partie cochléaire, les liquides sont, sous l’influence de la détection sonore, constamment « agités » à l’échelle moléculaire, et de toute façon invités à participer de manière active à la vie résonantielle de toute l’agitation acoustique dans laquelle l’homme est plongé.

En ce qui nous concerne, nous savons que les liquides modifient leur équilibre normal lors du « Ménière ». Le liquide endolym-phatique augmente de manière plus ou moins sensible, si bien que le labyrinthe membraneux se met à gonfler. Il le fait de telle sorte que la périlymphe s’élimine progressivement et que le rapport des labyrinthes-osseux et membraneux change sur le plan des volumes respectifs de ces derniers. Le labyrinthe osseux reste bien entendu identique à lui-même de par sa solide rigidité, mais le labyrinthe membraneux envahit les espaces occupés par la périlymphe qui, de ce fait, se trouve exclue en grande partie.

Ce déséquilibre des rapports des liquides labyrinthiques ne va pas, on s’en doute, sans une modification considérable de toute l’activité du labyrinthe membraneux, et cela pour l’ensemble de ses fonctions.

Le jeu vestibulaire se révèle complètement anarchique, tout au moins en début de « Ménière ». Plus tard, lorsque tout est en « hypertension », il se produit une sorte de mise en demi-sommeil de l’hyperactivité, mais ce qui se passe demeure toutefois sans « régulation réelle » avec la dynamique corporelle, et sans concertation avec le labyrinthe opposé qui, en règle générale, reste fonctionnel et sans perturbation.

Cependant ce dernier ne peut à aucun moment « prendre les rênes » pour assurer l’équilibre et la cinétique comme il serait à même de le faire si le « Ménière » provoquait l’élimination totale du labyrinthe atteint. Or on sait qu’il n’en est rien. Celui-ci prétend toujours fonctionner, mais il le fait de manière anormale, si bien qu’il empêche son partenaire d’assurer l’ensemble des fonctions labyrinthiques. Dans le « Ménière », le labyrinthe « dissident » reste un trouble-fête permanent. On en connaît les conséquences. Entre les grandes crises, les moments d’accalmie ne restent néanmoins que des espaces de temps sans calme absolu. Si bien que l’une des caractéristiques du « Ménière » reste à coup sûr cette fragilité dans l’équilibration qui se manifeste lors de certains mouvements, à l’occasion d’un lever brutal, en cas de rotation rapide de la tête ou de déplacements brusques du tronc. Bref, on l’a vu lors de l’examen clinique, le sujet aux prises avec un « Ménière » ne redevient pas ce qu’il était auparavant quant à l’équilibre. Sans parler de son audition qui peut être elle aussi très perturbée.

Le démarrage du « Ménière » stupéfie par sa soudaineté. Il existe cependant des degrés au sein même de cette brutalité. C’est ainsi que l’on peut assister à une crise cataclysmique qui réalise d’emblée un tableau définitif, mais aussi à des crises qui se suivent, chacune d’entre elles ajoutant un déficit complémentaire sur le plan de l’équilibration et plus particulièrement sur celui de l’audition.

Ceci est dû, semble-t-il, à des poussées successives, à des assauts dont on évoquera la pathogénie ultérieurement, mais qui d’emblée expliqueront la dégradation progressive de l’audition. Il est vrai que sur le labyrinthe membraneux vont s’observer des dégâts. Celui-ci, en effet, ne peut décemment pas se permettre d’enfler à l’extrême sans subir des modifications dangereuses.

En fait, il est un organe élastique, mais l’exagération dans l’augmentation de son volume entraîne rapidement des déformations exorbitantes sous forme de véritables hernies, plus encore de boursouflures qui arrivent à l’extrême limite jusqu’à l’éclatement, comme le feraient des ballonnets trop gonflés.

Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que toutes les parties constitutives du labyrinthe membraneux ne sont pas impliquées pareillement. C’est ainsi que chacune d’elles peut être affectée et sans doute donne-t-elle, en fonction de son atteinte, une coloration plus particulière au syndrome clinique. On conçoit aisément que si le processus d’hypertension se localise sur le vestibule, l’équilibre sera perturbé ; tandis que si l’hydrops se fixe électivement sur la cochlée, c’est alors l’audition qui se verra endommagée. Mieux encore, les deux activités vestibulaires, celles dépendant de l’utricule et des canaux semi-circulaires et celles correspondant au saccule, peuvent fort bien se manifester de manière totalement indépendante grâce à leur structure anatomique.

C’est d’ailleurs en reprenant les admirables travaux de Bast, qui dès 1928 révéla la présence de la valvule endolymphatique rendant indépendants les uns des autres l’utricule d’une part et d’autre part les organes sous-jacents, c’est-à-dire le saccule et la cochlée, que l’on parvient à mieux appréhender les mécanismes de blocages liquidiens. Bast a, dès 1934 et 1937, étudié plus profondément les activités de cette valvule. Il est vrai que Bôttcher avait déjà décrit des ressauts là où Streeter reconnaissait des rebords, véritables surplombs, tandis qu’en France, Chatellier, en 1926, parlait de cloison inter-utriculo-sacculaire. C’est vraiment Bast cependant qui a sensibilisé les spécialistes à la certitude de la présence de cette valvule qui prend naissance par une invagination inter-utriculo-sacculaire.

 

 

II est bien évident que tous ces montages anatomiques si subtils ont leur raison d’être, même s’ils échappent à notre entendement.

De toute façon, si nous ne comprenons pas comment lei liquides se génèrent et se résorbent, si leur mode de circulation nous est inconnu, il reste que les différentes cavités liquidiennes

Cette parenthèse prend tout son sens car elle met en exergue le long chemin qu’il reste à parcourir pour élucider les problèmes que pose l’oreille interne.

Mais d’ores et déjà, disons que nous nous orientons dans une voie qui attribue aux liquides endo et périlymphatiques un rôle sinon secondaire mais en tout cas totalement différent de celui que leur confient les théories classiques de l’audition, théories que nous évoquerons dans le chapitre suivant. En fait, leur action assure la « vie » des cellules qui y baignent et c’est déjà leur octroyer une raison d’être évidente.

Ce survol de l’oreille humaine sous son aspect anatomique va nous permettre d’aborder le point le plus important de cet ouvrage, à savoir la façon dont fonctionne cet organe. Car c’est bien de cela qu’il s’agit lorsqu’on tente d’expliquer le vertige de Ménière et qu’on se décide à le traiter. Quelle que soit l’origine du trouble, il faut avoir en mémoire les potentialités de l’oreille humaine, cette antenne à l’écoute du monde environnant.

Alfred Tomatis VERTIGES …/…Chapître suivant : Comment fonctionne l’oreille humaine ?

Shmuel Haggaï 01 01 2018

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